Les trahisons montréalaises dans Le manteau de la femme de l’Est
Keywords:
Abstract
Les expressions de la ville créative et mondialisée sont à la mode. De Richard Florida à Saskia Sassen, sans oublier à Montréal même un Simon Brault, les intellectuels, commentateurs de l’actualité et nouveaux propagandistes de l’universalisme des villes sont légion. De Francfort à Shanghai, de Barcelone à Montréal, ce sont pratiquement les mêmes discours qui prévalent. La culture dite locale se doit d’être « branchée », « connectée » aux flux du mondialisme que représente une marche forcée, de plus en plus rapide, comme si le sujet post-identitaire se devait en quelque sorte de vivre dans un archipel, une métaspora (selon l’expression du poète Joël Desrosiers). Nous souhaitons interroger dans cet article les expressions têtues, parfois répétitives d’une pauvreté qui échappe à toute forme d’embourgeoisement et qui tient lieu de foyer de résistance (ce qu’est l’Est montréalais), alors que l’on promeut le principe salvateur de cette créativité mondialisée dans les nouvelles villes post-identitaires. Dans ce contexte, la gentrification culturelle, au nom de la mobilité et de l’hybridité du sujet, ressemble assez à une injonction autoritaire. Or, les écrits de Danielle Roger sont de véritables récits de résistance à l’égard de ce qu’il faut bien appeler un universalisme des villes mondialisées. À ce sujet, les récits de Danielle Roger décrivent avec une concision et une ironie douce-amère ce repli du sujet dans l’univers d’un quartier qui ne paie pas de mine, qui n’est pas, comme le Plateau Mont-Royal ou le Mile-End, un haut lieu de l’attraction touristique montréalaise. Certes, la date de publication du Manteau de la femme de l’Est n’est pas à négliger. À la fin des années quatre-vingt-dix, l’éloge des transhumances et des nomadismes, s’il faisait partie des expressions consacrées de l’écriture migrante, n’était pas encore devenu un fonds de commerce, un assemblage de lieux communs. Le manteau de la femme de l’Est est l’expression de vies minuscules, la description de la saleté des « faits divers» de la Cité, la narration des multiples trahisons qui voient le jour dans les quartiers déshérités de la ville de Montréal. Dans ce récit peu connu de Danielle Roger, il est question, comme chez Pauline Harvey et Josée Yvon, d’une littérature qui prend la forme d’un récit dans lequel la dignité et l’indignité s’opposent, par le biais des diverses figures de l’exploitation de la violence, ce que l’on appellera à défaut d’un autre terme la misère.
References
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