ExClass 27, 2023, 197-203 ISSN 1699-3225
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
27, 2023, 197-203 1699-3225

«CONSENSUS CODICUM», «CONSENSUS EDITORUM».
MÉTHODOLOGIE ET PRATIQUE DE L’ECDOTIQUE CLASSIQUE
GÉNÉRALE ET PROPERTIENNE EN PARTICULIER*
Il fut un temps où, s’agissant de Properce, s’opposaient en deux camps irréconci-
liables éditeurs conservateurs et « innovateurs » sur fonds de partage géographique,
Europe continentale et Royaume-Uni (bien entendu, des exceptions relativisaient
cette division). Encore aujourd’hui certains conservateurs opposent aux innovateurs
le « consensus codicum » comme « index ueritatis » absolu : le nombre garantit la
vérité d’une leçon ; plus il y a de manuscrits, plus la leçon qu’ils transmettent est indu-
bitable. On parlait et certains parlent encore d’« unanimité » des manuscrits, comme
s’ils formaient un collège académique où l’unanimité serait d’autant plus précieuse

croyons-nous, on reconnaît de plus en plus le caractère fallacieux de cet argument du
nombre : une leçon fautive qui se trouve dans le manuscrit-source, archétype ou « pa-
léotype »1, risque de se retrouver dans tous les témoins dérivés de cette source. Alors
la pluralité se réduit à l’unité et l’avis du collège des manuscrits se réduit à l’avis d’un
seul : en ce cas, le conservatisme radical ne peut plus opposer à un critique contestant
la vérité d’une leçon que le fait qu’elle est transmise2. Il nous est reproché de briser
le « consensus codicum » et le « consensus editorum »3. On nous avait déjà opposé le
« consensus editorum » en incriminant notre rejet de leçons transmises acceptées par
tous les éditeurs ou une majorité d’entre eux. Nous trouvons intéressant de nous voir
1 Sur cette distinction, voir G. Liberman, Les préliminaires de la guerre, Prolégomènes à la
lecture du premier livre de Thucydide, Bordeaux 2017, 173.
2 Voir la partie « méthodologique » de l’introduction de notre livre Cynthia. Monobiblos de
Sextus Properce, Huelva 2020, 34-58.
3 I. Ciccarelli, « Il primo libro delle elegie »,        
confronti del consensus codicum e di congetture fondate su cui convergono gli editori più recenti ». Il y
a là une contradiction, car le même homme ne saurait rejeter « presque systématiquement » à la fois le
texte transmis et les conjectures censées recueillir le « consensus doctorum ». Nous sommes beaucoup
moins radical que Cicarelli elle-même, si nous en jugeons par ces lignes (197 n. 12) : « I criteri di una
buonaTexts, Editors and Readers. Methods
and Problems in Latin Textual Criticism, Cambridge 2016, 72-8, che passa in rassegna esempi di
congetture necessarie anche nel caso di un testo tradito non corrotto ». Il y a contradiction entre nécessité
d’une conjecture et absence de corruption d’un texte. Mais ce que Tarrant dit et que, supposons-nous,
Ciccarelli veut dire, c’est qu’il existe des corrections nécessaires de passages que ne signale aucune

* I. Ciccarelli, « Il primo libro delle elegie di Properzio: il testo, la struttura, i temi e i protagonisti
del discorso amoroso. Un approfondimento metodologico », ExClass 26, 2022, 195-208, à propos de
G. , Cynthia. Monobiblos de Sextus Properce, Huelva Classical Monographs 12, Huelva:
Publicaciones de la Universidad de Huelva, 2020, 401 pp., ISBN 978-84-18280-41-2.
«Consensus codicum», «Consensus editorum». Methodologie et ...
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aujourd’hui opposer ce même consensus au nom d’un rejet des conjectures adoptées
par d’autres éditeurs. Si, s’agissant de Properce, ce consensus existait, il y aurait là
un changement radical de l’ecdotique propertienne, que caractérisait la formule très
célèbre « quot editores, tot Propertii » (Phillimore). Peut-être un jour (nous ne le
souhaitons pas), lassés d’examiner sur de nouveaux frais les innombrables problèmes
textuels de leur auteur, les commentateurs de Properce se rallieront-ils au texte d’une
édition « de référence » et feront-ils valoir contre tout dissident la force du nombre des
ralliés sincères ou de circonstance. Même si, comme nous l’avons nous-même relevé4,
le conservatisme a, s’agissant de Properce, perdu de ses belles plumes, on est encore
aujourd’hui loin d’un véritable consensus : le commentaire de P. Fedeli, R. Dimun-
do et I. Ciccarelli au livre IV5 énumère, pour ce seul livre (940 vers), quelque cent
édition de S.J.
Heyworth6, qui n’a pas peu contribué au changement de pied d’éditeurs de Properce
naguère très conservateurs. Ces éditeurs nous opposaient l’argument d’autorité du
« consensus codicum », en l’absence de variantes. Aujourd’hui, par un glissement
digne de remarque, ils nous opposent, même lorsque nous rejetons une conjecture
admise par quelques-uns, le « consensus editorum » : c’est encore et toujours un ar-
gument d’autorité. Même si ce consensus était universel, ce qui le légitimerait n’est
pas cette universalité mais la justesse intrinsèque de l’avis sur lequel il y a consensus.
On en revient toujours là : qu’une leçon soit transmise par un manuscrit ou par mille,
qu’elle soit acceptée par un éditeur ou par dix, qu’une conjecture soit adoptée par un
éditeur ou par vingt, la leçon transmise et la conjecture ne sont justes que par la vé-
rité intrinsèque que le « Textkritiker » lui reconnaît au moyen d’un acte de jugement
personnel et indépendant. Nous considérons que toute tentative de substituer à cette
indépendance un principe d’autorité, susceptible d’être appliqué mécaniquement, est
une forme d’autoritarisme qui sape les fondements de la science critique. La critique,


profonde et la mieux informée possible. Nous ne faisons là qu’expliciter la célèbre
formule d’inspiration bentléienne « res et ratio ipsa », plus souvent répétée que suivie
et qu’il faut sans cesse opposer à la tentation toujours renaissante de substituer l’obéis-
sance et l’automatisme à l’indépendance et à la pensée. Or le « consensus doctorum »
ne pense pas et n’appelle pas à penser. Le respect obligé de ce consensus, qui, nous le
constaterons, est lui-même instable, bloquerait le progrès quand la leçon (transmise
a fortiori quand elle est fausse. Il est
également funeste d’imposer en son nom l’adoption d’une solution passable mais non
être
recherchée et, si cette solution est trouvée et qu’elle soit la solution, de s’imposer par
ses mérites intrinsèques. Rien ne serait plus fâcheux que de rechercher un consensus
factice pour pouvoir imposer des corrections en fait bancales.
4 Monobiblos, 12.
5 Properzio. Elegie. Libro IV, Nordhausen 2015, I, 135-40. Voir G. Liberman, « Commenter
ExClass 21, 2017, 175-215.
6 Oxford Classical Texts, 2007.
199
ExClass 27, 2023, 197-203


Pour ce qui est de la pratique éditoriale, nous avons souvent, dans le prolongement
du principe de liberté exposé ci-dessus et dans l’idée, peut-être optimiste, de laisser
au lecteur la faculté de décider par lui-même, conservé des leçons transmises dou-
teuses ou certainement corrompues et alors placées « inter cruces ». Nous concédons
volontiers qu’ainsi nous ne facilitons pas la tâche du lecteur, mais nous n’avons pas
édité un texte accompagné de traduction, auquel cas il est certainement préférable de
limiter le plus possible le nombre des « cruces » et peut-être même de les bannir en
acceptant des corrections « provisoires ». Ce que nous avons produit, c’est un texte
accompagné d’un commentaire critique et notre but était que le lecteur mette texte et
-
pés par nous, former son propre jugement dans des passages où nous ne croyions pas

leçon conjecturale. Une conjecture qui nous vint à l’esprit en corrigeant les épreuves,
illa feros laqueis alligat una uiros pour le texte transmis illa feros animis alligat una
uiros (1.5.12), où nous n’avons pas utilisé les « cruces », nous plaît de plus en plus,
mais nous n’avons pas cru bon de l’adopter parce qu’elle nous semblait alors plus
-
venu à ce qui, pour nous, n’
des corrections indûment négligées ou nouvelles qui éclairent vivement un passage et
dont nous voulions mettre en valeur l’intérêt. Nous revendiquons le droit de procéder
ainsi, car nous ne croyons pas qu’il y ait une seule « bonne méthode », consistant en
l’occurrence à rendre systématiquement le texte « readable » au moyen de conjectures
« provisoires ». Nous ne considérons pas cette manière de faire comme illégitime,
mais nous tenons à ce qu’un « Textkritiker » ait le droit de choisir, en fonction des


proclamé. Illustrons en examinant quelques passages les dangers concrets de l’utilisa-
tion du « consensus editorum » comme argument d’autorité. Nous aurions mieux fait,
plutôt que de mettre « inter cruces » la leçon des mss. « potiores » ille uidere (1.1.12,
à propos de Milanion), de suivre Heyworth et Fedeli7 en empruntant à des témoins
« recentiores » dont l’autorité est nulle et l’identité plus ou moins incertaine ibat et
hirsutas ille ferire feras, que recommanderait Ovide, ars amatoria, 2.190, saepe fera
toruos cuspide xit apros : « a sostegno di ibat et hirsutas ille ferire feras si potrebbe
aggiungere la ripresa ovidiana del nesso allitterante ferire feras in fera xit »8. Cent
autres éditeurs pourraient adopter ille ferire que nous ne cesserions pas de penser
1) que le raisonnement par lequel l’allitération fera… xit corrobore ferire feras est
circulaire, car il part, en réalité, du présupposé que ferire feras est la leçon originale ;
2) qu’Ovide, fasti 5.175-6, in apros | audet et hirsutas comminus ire leas, fournit un
point de départ plus plausible pour la correction de ibat et hirsutas ille uidere feras
chez Properce et que le ferire des « recentiores » est une correction tirée du passage
de l’ars d’Ovide ; 3) qu’il n’est pas, au vu du degré d’incertitude de toute correction,
7 Properzio. Elegie, Volume I, Libri I-II, Torino 2021.
8 Voir Ciccarelli, « Il primo libro », 198.
«Consensus codicum», «Consensus editorum». Methodologie et ...
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y compris ibat et hirsutas comminus ille9 feras (Palmer), de mauvaise méthode de
mettre « inter cruces » la séquence ille uidere. Nous l’avons dit10, ille ferire nous
paraît « une cj. faible, dont l’attractivité est essentiellement ‘paléographique’ ». Cela
étant, nous ne reprocherions nullement à Heyworth ou à Fedeli d’adopter, pour éviter
les « cruces », cette conjecture, mais nous refusons d’admettre qu’il vaudrait mieux
l’adopter parce qu’ils l’ont adoptée ou de la considérer comme plus plausible parce
qu’elle est transmise par des « recentiores » et qu’elle a l’agrément de plus d’un édi-
teur ou commentateur.
Nous aurions également mieux fait, dans la célèbre « crux » Aspice quos summittat
humus formosa colores (1.2.9), d’accepter la correction non fossa (Allen 1973),
adoptée par Heyworth, ou non culta (« recentiores », Allen 1950), adoptée par Fedeli

non culta, se ne aggiunge una di carattere stilistico: l’allitterazione (culta colores) fa
11.
Si l’exploitation et l’exégèse de l’allitération culta colores ne nous paraissent pas
incontestables, ce qui nous étonne le plus est la raison d’ordre paléographique par
laquelle non culta serait plus plausible que non fossa comme correction de formosa,
faute par anticipation due à l’occurrence de formosius au v. 1112. Humus non culta

pas des utilitaires tels que le travail de la terre aurait pu en produire13, l’opposition cul-
ta / non culta humus est-elle pertinente ? Tibulle, en son évocation des Champs Ély-
sées, applique l’expression non aux roses mais à la casia : fert casiam non culta seges
(= culta humus14) totosque per agros | oret odoratis terra benigna rosis (1.3.61-2).
Le principe d’opposition entre production spontanée aux Champs Élysées et produc-
tion par le travail dans ce monde-ci implique l’idée d’une culture de la casia, « aro-
matum genus »15cultor odoratae diues Arabs
segetis. Autre est le cas des roses tibulliennes, que la fertilité (benigna, « qui fait bien
naître ») du sol des Champs fait éclore à profusion, et des colores propertiens. La véri-
té, croyons-nous, est que rien n’exclut chez Properce un autre type de solution, tel que
9 M.A. Hardy, « Propertius 1.1: Old and New Solutions », ExClass 26, 2022, 21-32, spéc. 27-8
suggère ipse ille.
10 Monobiblos, 71.
11 Voir Ciccarelli, « Il primo libro », 201.
12 « L’espressione oscula pressa », explique Ciccarelli, « Il primo libro », 207, à propos de la
correction par laquelle Alton, suivi par Heyworth et Fedeli 2021, substitue osculaque innixus pressa
dedi gradibus à osculaque impressis nixa dedi gradibus (1.16.42), est « del tutto plausibile da un
 ». La notion de plausibilité paléographique d’un tour de phrase
nous paraît problématique. Nous maintenons les réserves que nous avons formulées, Monobiblos,
244, sur cette correction très ingénieuse.
13 Voir Virgile, Buc. 4.29, incultisque rubens pendebit sentibus uua.
14 Voir L. Dissen, Albii Tibulli carmina, Göttingen 1835, II, 77.
15 Le TLL                
odoriferi ». Dissen et R. Maltby, Tibullus: Elegies, Cambridge 2002, 203 sont de ceux qui voient
juste. La justesse de leur avis est prouvée par Pindare, fr. 129.4-5 Maehler,  <> 
   |    < >, la casia étant l’analogue du .
201
ExClass 27, 2023, 197-203


dumosa (Suringar, Baehrens) ou encore spinosa16
un point d’appui clair à la « parablepsie » responsable de la faute par anticipation. Là
non plus, nous ne pouvons admettre qu’il soit de mauvaise méthode de n’adopter ni
non fossa ni non culta ou que la présence de non culta dans des « recentiores » et son
adoption par Fedeli 2021 rendent cette conjecture plus recommandable, même si nous
nous réjouissons de constater que Fedeli renonce à défendre formosa, comme il faisait
dans son commentaire de 198017 et dans sa Teubneriana de 1984. Il fut un temps où
l’on pouvait s’appuyer sur un « consensus editorum » pour conserver formosa
On oppose à notre rejet du texte de Heyworth ianua Patriciae uota Pudicitiae
(1.16.2), « a door dedicated to Patrician Chastity »18, où Patriciae est une correction
et uota la leçon du ms. A (nota N), le « concorde orientamento degli editori moder-
ni, che risale alla correzione di Pasoli di Tarpeiae in Patriciae nel v. 2 » et le fait que
Patriciae 19. Ces données seraient relatives à
un « ara Pudicitiae Patriciae, che sorgeva nel foro Boario lungo il percorso dei cortei
trionfali », mais 1) l’ara Pudicitiae explicitement attesté par les sources est l’autel de
la Pudicitia Plebeia20
Pudicitia Patricia au Forum Boarium sont controuvés, si l’on en croit une démons-
tration très brillante de G. Wissowa que nous conseillons de lire avant d’en critiquer
les conclusions21; 2) il est, pensons-nous, légitime de s’étonner du fait que la porte
d’une demeure privée soit Patriciae uota Pudicitiae ; 3) le participe uota, qu’introduit
l’adoption de la leçon d’un manuscrit peu sûr (A) et qui risque de n’être qu’un « Son-
derfehler »22, n’est nulle part, à notre connaissance, utilisé dans le sens de deuotus =
deditus. Ce sens de deuotus apparaît chez Ovide, fasti 1.6, à propos d’un homme (o-
cio… tibi deuoto) et chez Tertullien, de spectaculis 10, à propos d’une divinité (ludos
16 Voir Properce 4.4.48, tu cape spinosi (dumosi Richard Dawes !) rorida terga iugi. W.R.
Smyth, Thesaurus criticus ad Propertii Sexti textum, Leyde 1970, 4, enregistre nemorosa (Heinsius),
dumosa, muscosa (Keil, Palmer), morosa (Housman), mais il omet la conjecture fruticosa de G.
Saenger, recension de divers ouvrages sur Properce,  -
    , 7, 1882, 5-6.
17 Sesto Properzio, Il primo libro delle elegie, Firenze 1980, 97 : « Properziana, invece, è la
«iunctura» humus formosa, a torto ritenuta sospetta ».
18 S.J. Heyworth, Cynthia, A Companion to the Text of Propertius, Oxford 2007, 70-1 et 527.
19 Voir Ciccarelli, « Il primo libro », 204.
20 Voir Monobiblos, 232 ; L. Richardson, jr., A New Topographical Dictionary of Ancient Rome,
Baltimore- London 1992, 322.
21 Gesammelte Abhandlungen zur römischen Religions- und Stadtgeschichte, München 1904,
254-60. Son Religion und Kultus der Römer, München 19122, 333 n. 5, donne l’impression que
Wissowa envisage de rapporter templa Pudicitiae de Properce 2.6.25 à la Pudicitia Plebeia, mais
l’analyse détaillée contenue dans les Abhandlungen stipule que Properce ne paraît pas faire allusion à
un monument précis. Les commentateurs de Properce ignorent le travail de Wissowa et prennent pour
argent comptant le témoignage de Tite-Live 10.23, dont S. Oakley, A Commentary on Livy Books VI-
X, Volume IV, Book X
22 G. Meusel, Curae Propertianae, Leipzig 1902, 56 avait par lui-même conjecturé Tarpeiae
uota pudicitiae (« dictum per irrisionem »). Ni Meusel ni J. P. Goold, « On Editing Propertius »,
dans N. Horsfall, ed., Vir bonus discendi peritus. Studies in Celebration of Otto Skutsch’s eightieth
birthday, London 1988, 33, ni Heyworth, Cynthia, 70-1, n’ont ressenti le besoin d’examiner la
conformité à l’usage du sens qu’ils prêtent à la leçon qu’ils prônent, uota.
«Consensus codicum», «Consensus editorum». Methodologie et ...
202
ExClass 27, 2023, 197-203 http://dx.doi.org/10.33776/ec.v27.7978
scaenicos… Libero deuotos). Il est donc douteux que uota puisse avoir le sens de dedi-
ta qu’appelle ianua Patriciae uota Pudicitiae = « dévouée à la Chasteté Patricienne ».
Les « données historiques et topographiques » censées fonder la correction Patriciae
uota Pudicitiae risquent de n’intéresser que l’historicité et la localisation du « sacel-

revenir à nota, la correction Patriciae semble devoir être abandonnée, quoique Pasoli,
son inventeur, l’ait conçue comme complément non de uota, comme on le croirait à
lire Goold et Heyworth23, mais de nota. Mais qui se satisfera de « porte connue de la
Chasteté Patricienne » (datif) ? Nous ne sommes même pas sûr qu’il soit judicieux de
se rabattre sur patriciae nota pudicitiae, « connue pour sa chasteté de patricienne »
(génitif)24. Nous avons accepté l’explication du texte transmis Tarpeiae nota pudici-
tiae par L. Deubner et nous ne croyons pas qu’elle soit « anacronistica alla luce del
concorde orientamento degli editori moderni ». Ce « consensus doctorum » n’existe
pas, puisque Fedeli 2021 recourt aux cruces25.
Nous n’aurions pas dû mettre « inter cruces » turpior dans le « locus conclama-
tus » nec tamen illa suae reuocatur parcere famae, | turpior et saecli uiuere luxuria
(1.16.11-12)26            
distique interpolé (Lachmann), soit garder le texte transmis « a condizione che si
intenda correttamente lo zeugma che lega revocatur parcere e vivere
(non revocatur ut parcat / non revocatur ut non vivat) ». Nous ne voyons ni comment
une telle explication est possible ni pourquoi il faudrait se résoudre à admettre une
interpolation, la suppression du distique retirant deux vers à un poème qui en compte
autant (48) que celui avec lequel il rivalise, Catulle LXVII. L’hypothèse d’une cor-
ruption localisée est plus plausible27, même si Heyworth admet l’interpolation et que
Fedeli croie pouvoir expliquer le texte transmis.
Terminons cette brève mise au point, que nous pourrions étendre presque à perte de
vue, sur un détail relatif à létonnante architecture complexe des vingt-quatre poèmes
de la monobiblos. Sans compter le poème liminaire, vingt-trois pièces s’y répartissent
en « dix diptyques, dont six (…) sont formés de composantes jointes et quatre (…) de
composantes disjointes, et un triptyque (…) »28. Après nous être longtemps interrogé
sur ce qui avait pu inspirer une telle structure, nous suggérons, sous réserve de l’exis-
tence d’un modèle inconnu de nous ou d’une innovation totalement indépendante,
que le jeune Properce s’est inspiré de la disposition tantôt « simple » (juxtaposition)
23 Goold, « On Editing Propertius », 33 ; Heyworth, Cynthia, 71.
24 « Nota (‘known for’) is not impossible », dit Heyworth sans préciser s’il entend patriciae
pudicitiae.
25 Ciccarelli, « Il primo libro », 205 approuve Fedeli très vivement.
26 Voir Ciccarelli, « Il primo libro », 201 : « L’autore, invece, si limita a collocare turpior tra
cruces: se lo scopo di tale modo di procedere vuole essere quello di completare un testo ritenuto
 ».
27 Voir Monobiblos, 235.
28 Voir G. Liberman, « Remarques sur le premier livre des Élégies de Properce », RPh 76, 2002,
50-3 ; Monobiblos, 57.
203
ExClass 27, 2023, 197-203


29,
dont l’élégiaque était, selon toute apparence, un lecteur assidu30.

Université Bordeaux Montaigne.
École Pratique des Hautes Études
gauthier.liberman@orange.fr.
29 Voir P. Masqueray, Théorie des formes lyriques de la tragédie grecque, Paris 1895, 126-218.
Le  le plus complexe de la tragédie attique, celui des Choéphores 306-478, compte vingt-deux
Das Opfer
am Grabe, Berlin 1896, 186-7 ; Aeschyli tragoediae, Berlin 1914, 258 ; Aeschylos. Interpretationen,
Berlin 1914, 205-210. Le poème liminaire et la sphragis encadrent vingt-deux pièces dans la
monobiblos ; on aurait donc 3 x 8 parties dans le  des Choéphores (trois personnages, Électre,
Oreste, le chœur) et dans la monobiblos (six noms de personnages, le locuteur Properce, Cynthia,
Bassus, Gallus, Ponticus, Tullus, en tenant compte du fait que le locuteur de la pièce XXI est ou
semble être un autre Gallus que celui ou ceux qui apparaissent précédemment, cf. Monobiblos, 303-4).
30 Bon exemple en 1.15.15-6 (Monobiblos 
attica sullelegia di Properzio », dans G. Bonamente, R. Cristofoli, C. Santini, eds., I generi letterari
in Properzio: modelli e fortuna, Turnhout 2020, 231-76.